Mémorial des engagés indiens

capesterreMémorial des engagés indiens à Casperterre Belle Eau – Guadeloupe

Pour des raisons économiques et sociales, (famines, misère…), 44 553 Engagés Indiens, forts de leur contrat dont les clauses sont rassurantes, quittèrent l’Inde, 28.692 des Ports de Pondichéry et de Karikal, 331 du Port de Madras, et 15.530 du Port de Calcutta pour accoster sur les rives lointaines de la Guadeloupe, après en moyenne trois mois de navigation difficile et périlleuse.
Officiellement, ce nouveau flux migratoire avait pour but de relancer la production cannière après l’abolition de l’esclavage en 1848. Dans les faits, il s’agissait pour les Planteurs de garantir la pérennité de la production et aussi, de freiner les velléités revendicatives naissantes des Nouveaux Libres.

Le Voilier l’Aurélie, arrivé dans la nuit de Noël 1854 à la darse de Pointe à Pitre, débarquait le 26 décembre, les 314 premiers Engagés Indiens.

Le bateau à vapeur le « Nantes – Bordeaux » clôturait ce flux migratoire de 93 convois, le 30 janvier 1889 à Pointe à Pitre en livrant les 599 derniers Engagés Indiens, ce qui portait le nombre total à 42.873. 1680 sont morts en cours de traversée.

Dès leur arrivée, ils se trouvent brutalement confrontés à un enfer, qui transforme leur vie quotidienne en un interminable martyre : racisme, misère, violence, surexploitation, surmortalité et absence pratiquement totale de protection.

Toutes les violences possibles et imaginables ont été faites aux Indiens :

1.Violence institutionnelle, avec le maintien d’une législation répressive à leur encontre; Pratiquement jusqu’à leur mort, les Indiens sont désignés dans tous les actes civils, administratifs ou judiciaires les concernant, par leur numéro de matricule (et non leur nom) qui leur est attribué par le service de l’immigration à leur arrivée en Guadeloupe…

2. Violence dans leurs conditions de vie… difficultés à vivre leur culture et l’interdiction de pratiquer leur culte.

3. Violence dans leurs conditions de travail, le coolie, enfermé dans le cadre oppressif de l’habitation et contraint à un travail excessif par un engagiste qui ne voit en lui que des bras à rentabiliser, finit généralement par décéder après quelques mois ou quelques années de maladie et de souffrance…

4. Violence physique dans leurs relations avec les engagistes et leurs subordonnés, « on les emprisonne, plus ou moins longtemps dans des chambres noires, parfois ils sont fustigés avec des rotins, il arrive même qu’on les enferme « dans des tonneaux remplis d’aiguilles dans lesquels on les roule »…

L’administration ‘trie’ les demandes de rapatriement de façon à embarquer prioritairement ce que l’on appelle cyniquement les ‘non- valeurs’, ‘les déchets’: vieillards (40 ans) épuisés par une vie de misère et de souffrance sur les habitations, invalides, infirmes, indigents etc » environ 9400 ont été rapatriés.
Toutes ces violences, Toutes ces souffrances, Toutes ces humiliations, provoquèrent la mort prématurée de plus de 25.000, Enfants, Femmes, et Hommes, à l’âge moyen de 32 ans.

Telles sont, Monsieur l’Ambassadeur, les raisons qui ont conduit Gopio Guadeloupe à Construire ce Mémorial…

Pendant très longtemps cette douloureuse histoire a été présentée dans une version édulcorée, par des pseudos spécialistes de l’immigration indienne, laissant croire que ce flux migratoire s’était relativement bien déroulé.
Mieux, pour nous détourner de notre histoire, la vraie, pendant très longtemps, trop longtemps notre attention a été focalisée sur l’œuvre d’Henry SIDAMBAROM cet illustre Indien, élégant, intelligent et audacieux.
Monsieur l’Ambassadeur, il faut savoir que Les Engagés Indiens se sont battus pour le respect de leur contrat, de la convention Franco-Britannique de juillet 1861, qui régissait ce flux migratoire organisé et surtout pour leur rapatriement.

Certains ont été condamnés, déportés, en fonction de la gravité de leurs actes à l’ilet à Cabris à Terre de Haut ou au bagne de Cayenne, d’autres… ont préféré se suicider.
Pour nous avoir oubliés puis ignorés, l’Inde à une part de responsabilité dans ce drame humain, même si, nous lui reconnaissons des circonstances atténuantes. En effet, pendant la colonisation britannique le gouvernement indien n’avait pas toutes les libertés et encore moins tous les pouvoirs, et après l’indépendance, il devait se mobiliser pour effacer les désastres de deux siècles de colonisation Britannique. Ces efforts ont payé, puisse qu’aujourd’hui, l’Inde, notre Pays d’origine, …est une puissance, économique, scientifique, technique, culturelle, militaire etc…

Aujourd’hui L’Inde ne peut ignorer notre existence, nous Engagés Indiens de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion.
Il n’y a pas si longtemps, l’ancien Premier Ministre Mamohan Singh nous disait « que la France c’est votre mère, mais n’oubliez surtout pas, que l’Inde, c’est votre Grande Mère » ce qui nous avait quelque peu réconforté sachant qu’une grand-mère avec toute la sagesse qui l’anime, manifeste toujours de manière infinie son Amour à ses enfants et ses petits-enfants et s’inquiète de manière permanente de leur avenir et de leur épanouissement…

Monsieur l’Ambassadeur, face à l’absence d’une réponse à ce jour, Nous, Enfants et Petits Enfants d’Engagés Indiens, demandons une reconnaissance officielle par le Gouvernement indien de notre état de Personnes d’Origine Indienne (PIO), avec attribution de la carte OCI à tous ceux et toutes celles qui en formuleraient la demande. Notre demande est légitime et répond à cette triple exigence : historique, Culturelle et économique.

La Carte OCI et l’ouverture d’un Consulat constituent les deux leviers indispensables au développement durable des échanges entre la Guadeloupe et l’Inde et vice versa, de créer des activités, des emplois et de la richesse dans notre Pays d’origine l’Inde et notre Pays d’adoption la Guadeloupe, meurtri par le chômage, des inégalités et la violence.
L’histoire c’est avant tout, les faits historiques.
Aussi cruelles, aussi douloureuses elles sont, nos histoires, ne doivent pas pour autant séparer les Hommes.
Pardonner n’est pas oublié, mais pardonner pour avancer est une nécessité de l’histoire.

Association Gopio Guadeloupe
Source : Thèse de Doctorat « l’immigration indienne en Guadeloupe de 1848 à 1923
Chritian Schnackenbourg professeur Emérite, Université de Picardie Amiens

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